Pour contrer les effets néfastes du confinement, de nombreux professionnels débordent de créativité, que ce soit pour faire utiliser les moyens technologiques aux ainés, ou pour permettre des retrouvailles progressives … de tous types et de toutes mesures ! Sous la fenêtre, au jardin, dans une pièce dédicacée, un sas, etc… Chacun fait en fonction de ses moyens mais toujours avec précaution.

Des moments suspendus existent, où les résidents, malgré leurs difficultés cognitives, apprivoisent la vidéoconférence… découvrez avec nous le témoignage de Sandra Baudoux …. Laissez-vous inspirer et émouvoir … Et partagez nous vos expériences !

Skype et alors ?

Voilà, la nouvelle est tombée, nous fermons nos portes pour protéger les résidents. Situation inimaginable, surréaliste, irréelle !!

Que faire pour préserver les liens chez les personnes souffrant de troubles cognitifs ?

Avant tout, mettre des mots sur la situation : une pandémie, une quarantaine, un confinement …. Quel sens cela peut-il faire pour les résidents ? Certains vont oublier le motif de l’absence de leurs proches. Ce sera à nous, professionnels, de resituer le contexte pour alléger l’angoisse et l’anxiété liées à l’absence. Bonne pratique professionnelle utilisée quotidiennement, me direz-vous ? Oui, nous allons continuer à prodiguer les soins, bien sûr, mais encore ?

Comment garder le lien quand la présence physique n’est plus possible et que l’absence se fait sentir ? Comment ne pas avoir en tête l’ombre du syndrome de glissement et le voir se faufiler insidieusement dans nos unités ? Comment combler ce sentiment de solitude, ce sentiment d’abandon ?

Dès le début, la machine se met en branle pour tenter de communiquer de manière différente, de façon originale … via les mails, un journal, le téléphone, par la fenêtre, par courrier, etc.

Nos moyens informatiques étant limités, à l’initiative des autorités et l’aide du service informatique, nous voilà équipés de tablette et pc portables avec une communication Skype.

Au début, n’ayant aucune expérience quant à l’utilisation de cette technologie chez les personnes souffrant de difficultés cognitives, cela me semblait fort compromis.

Aujourd’hui, je vous partage mon expérience enrichissante de cet outil, voici ce que j’ai pu observer et retenir :

Voir des yeux briller de 1001 étoiles en voyant la famille par la petite lucarne ;

Sentir la respiration s’accélérer quand la conversation devient intime ;

Rire avec une résidente qui me dit en voyant son époux : « il a de belles dents hein ? »

Retenir ses larmes quand une résidente s’approche de l’écran pour embrasser son être tant aimé … ;

Participer à une conversation triangulaire quand une question est posée par la famille et que la résidente me regarde pour y répondre ;

Eprouver de la joie en apercevant le résident plaisanter avec les siens ;

Être spectatrice des moments difficiles et communiquer avec la famille pour expliquer : « oui aujourd’hui, elle ne vous a pas reconnue mais dans votre conversation, vous avez parlé de souvenirs et cela fait sens pour la résidente !! » ;

Observer une résidente probablement fâchée de la situation, regarder sa fille en écartant ses doigts (elle laisse volontairement son visage caché par sa main) et l’entendre « marmonner » en italien pour exprimer son mécontentement ;

Expliquer aux proches qu’une résidente touche la tablette pour contourner les visages avec des situations cocasses d’interruption de conversation ;

S’entendre dire : « j’ai vu mon mari à la télévision, il va bien, ça me fait plaisir »

Il y a d’autres situations qui m’émerveillent et me laissent penser que les résidents ont des ressources inépuisables pour s’adapter à la situation qui leur est imposée.

J’ose espérer que nous apportons beaucoup de réconfort aux familles car du côté des résidents, je ne peux que constater l’effet apaisant et sécurisant que ces moments teintés de tendresse, d’amour et de partage leur apportent par le biais de cet outil.

J’ai toujours été certaine que les personnes souffrant de troubles cognitifs avaient des ressources insoupçonnées !!! Cela me conforte dans l’idée que l’accompagnement qui préserve les capacités résiduelles des personnes âgées vivant au sein des unités adaptés reste essentiel et n’est pas vain.

Mais tout cela ne peut se faire sans le soutien et la collaboration des équipes de soin. 

La difficulté pour ma part est de trouver sa place dans ce type de communication car nous partageons bien malgré nous des moments intimes volés, des moments de silence lourd de sens, des moments suspendus. Faut-il rester de marbre ? insensible ? professionnel ? comment ?

Dans notre milieu professionnel, nous avons tous de la retenue face aux situations difficiles et nous mettons en application tout notre bagage professionnel pour assurer cet accompagnement avec en fond d’écran notre sensibilité.

Ici, nous sommes confrontés à une situation qu’aucun manuel ne nous a apprise, ou rien n’est écrit dans la littérature pour nous guider.

Nous avons conscience que nous sommes sur une poudrière prête à exploser et nous devons continuer malgré tout contre vents et marées.

J’aime à penser que nous nous battons simplement pour chasser les nuages et éclaircir le ciel.

Je voulais remercier …. les résidents pour tous ces moments de bonheurs partagés ; les familles pour leur résilience et leur confiance ; les équipes et tout le personnel qui gravite dans et autour de la résidence pour le travail au quotidien ; les infirmières en chef pour leur écoute ; et le médecin Coordinateur pour sa disponibilité et sa transparence.

Et je voulais vous remercier, vous les autorités, pour votre soutien.

Sandra Baudoux

Personne de référence pour la Démence